La parabole du prisonnier qui rêvait de liberté


Par un soir chaleureux de printemps, un vieux prisonnier, vêtu de blanc, prit la parole :

« Mes chers semblables, en dépit de vos multiples différences, vous avez tous un point en commun : vous êtes prisonniers, comme moi, mais vous n'en avez pas conscience. Certes, votre prison est vaste : vous avez des écoles, des villes, des institutions, des forêts, des océans, etc... Vous vous adonnez à vos diverses activités et vous vous croyez libres. Mais vos camarades de cellule qui souffrent le martyre et qui veulent s'en aller découvrent avec effroi que l'évasion est très difficile et souvent douloureuse. C'est à la fois à cause de leur corps, qui n'est pas programmé pour s'envoler facilement loin d'ici, et à cause de vous, qui les empêchez de partir paisiblement. 

Or, les milieux desquels il est difficile de s'enfuir sont toujours malsains : l'on s'enfuit difficilement d'une secte, d'une cave où l'on est enchaîné, de l'emprise d'une personne perverse, etc... À  l'inverse, l'on s'enfuit facilement d'un club de poésie, d'une partie de tennis ou d'une histoire d'amour avec une personne non violente... Seuls les milieux que l'on peut quitter facilement peuvent être sains pour l'esprit, car eux-seuls respectent notre liberté et notre dignité. Si je suis dans une maison de mon plein gré, je peux apprécier d'y être. Mais si l'on m'enferme dans la maison, un climat malsain s'instaurera et je n'aurai qu'une envie : en sortir... sauf si je finis par accepter d'être captif, ou pire, par me persuader que c'est moi qui choisis de rester dans la maison en dépit des portes qui sont verrouillées. 

Camarades, pourquoi n'appliquez-vous pas le même raisonnement à la vie ? Oui, si l'on ne peut pas sortir facilement de la vie quand on veut, alors par définition, la vie est une prison. Or, l'on ne peut pas aimer véritablement une prison... Cependant, certains d'entre vous disposent désormais de clés permettant de sortir facilement de la vie : si ces clés étaient mises à la portée de tous, alors les portes de la vie seraient définitivement ouvertes (sans qu'on ait à les forcer) et l'on ne serait plus prisonnier, ce qui changerait le fond de la condition humaine en donnant à la vie un irrésistible goût de liberté. Avoir une porte de sortie disponible à tout instant nous rendrait plus serein et notre dignité ne serait plus bafouée par une expropriation de notre vie. Ainsi, je vous le demande : quand cesserez-vous de bénir vos chaînes et de vous séquestrer les uns les autres ? »

Et le prisonnier disparut dans un halo de vapeur blanche teintée de l'or mystique des rayons crépusculaires.

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