La Philosophie - Partie 3/4 : La raison et le réel
RAISON ET CROYANCE
*Raison vient du latin ratio qui signifie calcul. Au sens strict et courant, la raison désigne la faculté de calculer, d’enchaîner des idées de façon cohérente (la logique), de distinguer le vrai du faux (la raison théorique) ou le bien du mal (la raison pratique). En ce sens, la raison s’oppose à la folie, aux sentiments ou aux croyances. Au Sens « élargi » du terme, la raison désigne la capacité de formuler des jugements, la faculté de « juger ». Ce n’est pas seulement la capacité d’énoncer des jugements de valeur (portant sur ce qui devrait être), mais aussi la capacité d’énoncer des jugements ontologiques (c’est-à-dire des jugements de fait, portant sur ce qui est : par exemple, la phrase « le ciel est bleu » est un jugement ontologique). Or, percevoir, c’est toujours juger ce qu’on sent : tant que je suis conscient, je juge le réel à chaque instant : je suis une raison en acte. *L’on peut donc poser l’équivalence suivante. Conscience = raison = rapport (ou relation) au réel = corps percevant. La raison, en son sens élargi, inclut l’imagination, la folie, les sentiments, les émotions et les passions. *Kant distingue l’entendement de la raison. (Cette distinction est propre à son vocabulaire). L’Entendement, c’est le jugement du sensible (des objets réels) tandis que la raison, c’est le jugement d’idées (c’est-à-dire le jugement d’objets non forcément réels ni même forcément concevables). Ainsi, l’entendement reste « les pieds sur Terre » tandis que la raison peut facilement délirer. (Par exemple, l’entendement juge le mur qui est devant moi, tandis que la raison juge Dieu ou les fantômes). *Rationnel signifie « logique » (pour l’enchaînement des idées) ou « explicable par la raison » (pour le réel) : le rationnel concerne donc la raison théorique. En ce sens, le réel est toujours rationnel. Est Raisonnable ce qui est bien selon tel ou tel critère : le raisonnable concerne donc la raison pratique. *Dire que le réel est raisonnable, c’est lui attribuer une conscience et affirmer que tout ce qui arrive a un sens. Le mal serait toujours justifié, car toujours au service d’un bien plus grand – et tant pis pour les victimes. Dire que le réel est raisonnable, c’est justifier le mal, donc c’est être immoral. (Parler de « destin », dire que ce qui arrive doit arriver, c’est justifier le mal, c’est être immoral). *« Croire » a deux sens. Tout d’abord, au sens courant, c’est Penser comme vraie une idée que l’on n’a pas passée au crible de la démonstration. En ce sens, « croyance » s’oppose à « savoir ». Ensuite, en un sens plus strict, c’est Penser comme vraie une idée que l’on n’a pas pu entièrement démontrer. En ce sens, tout savoir est aussi une croyance, car toute démonstration repose sur des hypothèses non démontrées (mais toute croyance n’est pas un savoir). Il en va de même pour l’Analyse. *Analyser, c’est décomposer le tout en ses parties, afin d’expliquer le tout par les parties (et par les liaisons existant entre elles). L’analyse s’oppose à la synthèse qui compose ou recompose un tout à partir d’éléments donnés. Mais chaque partie peut être elle-même décomposée en plusieurs parties, puis chaque partie de chaque partie peut elle-même être décomposée… C’est le problème que pose l’Infiniment petit : l’on n’arrive jamais à un élément matériel « simple et indivisible ». L’analyse ne peut jamais s’arrêter et ne saurait donc aboutir à un savoir qui ne serait pas une croyance. *Méthode vient du grec methodos qui signifie « recherche ou poursuite d’un chemin ». Une méthode est ainsi un chemin à suivre (hodos) pour parvenir à quelque chose au-delà du chemin (méta). *Science vient du latin scientia qui signifie « savoir ». La science désigne un savoir ou une méthode de savoir. Les sciences, au pluriel, sont des savoirs ou des méthodes de savoir portant sur différents aspects du réel. *Comme l’a montré Karl Popper, la spécificité d’un contenu scientifique, c’est sa réfutabilité (ou « falsifiabilité ») : le fait de pouvoir être réfuté par l’observation. Pour cela, un énoncé scientifique doit porter sur une réalité perceptible (par nos yeux ou par nos outils de mesure). Par exemple, « Tous les cygnes sont blancs » est un énoncé qui peut être qualifié de scientifique, car l’observation peut nous donner tort (si l’on voit un cygne noir – en l’occurrence, l’on sait désormais que les cygnes noirs existent). En revanche, « Dieu a créé le monde » et « L’inconscient dicte nos actes » sont des énoncés non scientifiques, car ils ne sont pas réfutables par l’observation (les réalités dont on parle sont non-perceptibles). A propos d’une réalité non « falsifiable » (non réfutable par l’observation), l’on peut dire « tout et n’importe quoi ». Ainsi, l’on peut dire que l’Inconscient est au psychanalyste ce que Dieu est au prêtre : un pseudo-mystère au nom duquel le pseudo-éclairé peut dire tout ce qu’il veut (vu que Dieu et l’Inconscient sont des réalités non observables, l’on ne pourra jamais aller voir si les faits réfutent ou non leur existence). *Un énoncé scientifique peut être réfuté par l’expérience, mais jamais définitivement vérifié. Ainsi, une « science définitive » n’existe pas : la science reste toujours une croyance (mais une croyance plus « probable » qu’une croyance non passée au crible de l’observation et de la démonstration). Le progrès de la science est interminable. Comme le montre Kant, le savoir absolu est un « idéal régulateur » (ce vers quoi doit tendre la science), mais toujours inaccessible. Savoir n’est donc jamais cesser de croire. L’ignorant croit posséder le savoir absolu tandis que le scientifique sait qu’il est condamné à l’ignorance perpétuelle.
THEORIE & EXPERIENCE
Théorie vient du grec « Theion Orao » qui signifie « Je vois le divin ». Dans l’Antiquité, l’on pensait que le monde était un ordre divin (un cosmos) : l’activité scientifique consistait donc à contempler cet ordre. *Expérience vient du latin experiri qui signifie « éprouver ». 2 autres racines latines : Periri, qui veut dire « tenter », et Periculum, qui signifie « épreuve, risque, danger ». L’expérience implique donc à la fois l’épreuve et le risque. *Une Théorie est un ensemble d’idées qui vise à expliquer une partie du réel (ou du réel tout entier, dans ce cas l’on parle alors de « système », théorie qui explique tous les éléments du réel en les reliant tous ensemble les uns aux autres) ou à comprendre des phénomènes humains. (Expliquer, c’est établir un lien mécanique entre une cause et un effet. Comprendre, c’est chercher à saisir l’intériorité humaine, par définition inaccessible, en cherchant le sens d’actes humains. Comme l’a bien montré Dilthey, l’on explique la Nature tandis que l’on comprend l’être humain : la Nature est le lieu des causes et des effets, accessible à l’observation, tandis que l’être humain est le lieu des choix, inaccessible à l’observation). *Expérience peut désigner 5 choses. Un : L’Épreuve du réel (dans ce cas, expérience est un synonyme de perception). Deux : La Pratique de quelque chose dont découle un savoir. Trois : Le savoir lui-même découlant de la pratique. Quatre : l’Observation (avec ou sans intervention) afin de savoir si le réel perceptible réfute ou non une hypothèse. Cinq : Connaissance acquise par la perception, par opposition à « l’inné » et à « l’a priori ». (Ne pas confondre l’inné, réalité biologique, ce qui est donné ou programmé dès la naissance, et l’a priori, réalité spirituelle, c’est-à-dire concernant l’esprit, tout ce qui précède l’expérience, qui est indépendant de l’expérience et qui rend possible l’expérience. Chez Kant, il y a les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et les formes a priori de l’entendement (les catégories par lesquelles je juge le réel, comme le principe de causalité).) *Une Théorie hypothético-déductive, c’est une théorie déduite d’hypothèses a priori. Une Théorie inductive ou expérimentale, c’est une théorie induite d’observations. Mais ces observations sont menées à partir d’hypothèses préalables. L’expérimentation consiste ainsi à formuler des hypothèses et à observer si l’expérience ne les réfute pas. *Déduire, c’est conclure une vérité particulière d’une « loi générale » (sans passer par l’expérience). Par exemple, « Tous les Hommes sont mortels, donc Pierre est mortel. » Induire, c’est conclure une loi générale à partir d’observations particulières. Par exemple, « 10 000 000 d’Hommes sont morts, donc l’Homme est mortel. » Problème de la déduction : elle ne prouve rien, car elle ne s’appuie pas sur l’expérience. Problème de l’induction : elle ne prouve rien, car elle ne fait que supposer que ce qui vaut pour les cas observés vaut pour tous les cas existants. (Le fait que 10 000 000 d’Hommes soient mortels ne prouve pas que le 10 000 001ème le soit). Ce qui amène Hume à la conclusion suivante : la science est une illusion, les vérités scientifiques ne sont que des croyances parmi d’autres, elles ne sont pas des croyances plus « probables » et plus « raisonnables » que les autres. *Pour résoudre cette difficulté, Kant propose de dépasser l’antinomie induction/déduction par la théorie du schématisme : il s’agit de se servir de nos connecteurs a priori pour bien relier les phénomènes entre eux (par exemple avec le principe de causalité), appliquer les règles a priori et universelles de la logique pour rendre le monde intelligible. Il convient de bien suivre la trajectoire de la cause à l’effet pour bien utiliser nos connecteurs. *L’Expérimentation suppose une interaction entre la théorie et l’expérience. Elle consiste à Proposer des théories opératoires, c’est-à-dire des théories que l’on peut soumettre au test de l’expérience. Inversement, il convient de mener des expériences à partir de théories préalablement définies (et non « à l’aveugle », même si Claude Bernard montre que les « expériences pour voir », menées sans théories préalables, inspirées par la rêverie et la curiosité, peuvent aussi porter leurs fruits). *Enfin, pour ne pas se tromper sur la science, il faut reconnaître et accepter les limites de cette dernière. *« Rien n’est donné, tout est construit » (comme l’écrit Bachelard) : toute vision scientifique du monde est une construction humaine relative à l’esprit humain. (Si nous avions un autre esprit, nous percevrions un autre monde).
LA DEMONSTRATION
*« Démonstration » vient du Latin demonstratio qui signifie « action de montrer ». Démontrer, c’est montrer la vérité d’un jugement par un raisonnement. (Le Jugement ontologique consiste à dire « X est Y ». Le Jugement de valeur consiste à dire « X doit être ou devrait être Y »). L’on juge une démonstration selon deux critères. Premier critère : La cohérence, c’est à dire le bon enchaînement des idées (selon les règles de la logique). Deuxième critère : La vérité, c’est à dire la conformité au réel. (Un raisonnement pourrait être cohérent et ne pas être vrai. Par exemple, si je dis : « tous les Hommes sont des limaces, or Pierre est un Homme, donc Pierre est une limace », le raisonnement est cohérent, mais il n’est pas vrai, puisque le principe de départ est faux). *Un modèle simple de démonstration est le syllogisme. Tout A est B (prémisse majeure), or C est A (prémisse mineure), donc C est B (conclusion). Exemple : tous les Hommes sont mortels, or Pierre est un Homme, donc Pierre est mortel. Un problème se pose : la conclusion est déjà contenue dans les prémisses (majeure et mineure), donc le syllogisme n’apprend rien. Comme le montre Kant, l’existence d’une chose ne se déduit pas, mais se saisit par « intuition » (c’est-à-dire par perception externe). L’argument ontologique consiste à dire : « Dieu est parfait, or l’existence est une qualité (si Dieu n’existait pas, il ne serait pas parfait), donc Dieu existe ». Contre ce raisonnement, Kant montre que l’on ne peut pas déduire l’existence de Dieu de l’idée de Dieu. En effet, l’idée de 100 euros n’implique pas leur existence. (Il ne suffit pas que je pense à 100 euros pour que ces 100 euros existent dans ma poche). *Une démonstration n’est jamais définitive, car toute démonstration repose sur des hypothèses indémontrées. Si l’on démontre les hypothèses de D1 par D2, il faudra ensuite démontrer les hypothèses de D2 par D3, etc, et ce jusqu’à l’infini. *De plus, les axiomes ou premiers principes de la logique sont indémontrables. D’après Aristote, les deux grands axiomes de la logique sont le principe de non-contradiction (principe selon lequel l’on ne peut pas affirmer et nier la même chose, dire à la fois « X est Y » et « X n’est pas Y »), et le principe du tiers-exclu (entre deux énoncés contradictoires, l’un est vrai, l’autre est faux). L’on n’échappe donc pas à la croyance : toute démonstration repose sur de l’indémontré (les hypothèses) et de l’indémontrable (les axiomes de la logique). *Une démonstration peut être certaine si elle est « vraie » et « cohérente », autrement dit, si l’on tient pour vraies les hypothèses de départ et si l’on respecte les règles de la logique. *Par opposition à l’explication qui cherche des causes (le comment), l’interprétation cherche le sens d’une chose (le pourquoi). Par exemple, l’empathie, c’est la capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent : l’empathie suppose donc une interprétation du comportement d’autrui (actes, traits du visage, etc) pour supposer les émotions qu’il éprouve. (Notons que l’empathie est aussi ce qui permet le sadisme : si l’être humain peut jouir de la souffrance de l’autre, c’est parce qu’il est capable de s’identifier à l’autre.) (L’Herméneutique, c’est la science de l’interprétation (notamment des textes). Or, tout sens suppose une conscience qui a donné ce sens (volontairement ou non) : rien n’a de « sens » indépendamment de celui que l’être humain donne. Le sens est produit par l’intériorité humaine. Il n’est donc d’interprétation que de phénomènes humains. *Une pensée sur l’intériorité d’un être humain (par exemple à partir de l’interprétation de symptômes), n’est jamais un savoir, mais toujours une croyance, car je ne suis jamais à la place de l’autre. La conscience est inconnaissable. *Comme l’écrit Nietzsche dans Le gai savoir au paragraphe 374 : notre nouvel infini, c’est l’infini des points de vue. X1 me donnera un point de vue, X2 me donnera un autre point de vue critiquant celui d’X1, X3 me donnera un autre point de vue critiquant celui d’X2, etc. En matière d’interprétation, il n’y a pas de vérité objective, il n’y a que des points de vue. Tout point de vue est toujours critiquable par un autre point de vue. Cela me conduit à un redoutable Vertige : concernant l’humain (qui relève de l’interprétation, par définition incertaine et elle-même interprétable), je ne peux m’accrocher à aucune certitude. Je suis donc voué au Scepticisme anthropologique : je ne peux rien savoir concernant les humains qui m’entourent car leur conscience m’est inaccessible (je ne peux que formuler des interprétations de faits que j’ai sous les yeux). *Enfin, c’est moi qui choisis les premiers principes à partir desquels je veux fonder l’éthique : l’éthique est toujours un point de vue, jamais une vérité objective.
LE VIVANT
*Un vivant, c’est simplement un être en train de vivre. Vivre, c’est satisfaire ses instincts biologiques. Exister, c’est vivre et savoir qu’on vit. L’Homme n’est pas seulement un vivant, mais aussi un existant. L’existence donne une couleur culturelle à notre manière de satisfaire nos instincts et nous ouvrent à des sphères inconnues à l’animal (la science, la morale, l’art, etc). Être conscient implique toujours de juger nos expériences de satisfaction de nos instincts (via le prisme de notre culture, en particulier de notre langage), et de choisir de satisfaire nos instincts de telle ou telle manière (par exemple, de choisir entre la satisfaction directe et la sublimation). *La vie est une réalité biologique. C’est l’ensemble des Fonctions qui résistent à la mort. *La vie, au sens strict du terme, c’est donc la Survie (de l’individu et de l’espèce). En effet, tous nos instincts vont dans le sens de notre survie et de celle de notre espèce. Le « Vouloir-vivre » désigne l’ensemble des instincts dont nous sommes la marionnette (mais que nous pouvons choisir de réprimer, ou de sublimer, c’est-à-dire de satisfaire par une voie détournée). Le Finalisme, c’est la croyance selon laquelle les choses naturelles sont le fruit d’une intention créatrice (par exemple, Dieu ou la Nature pensée comme Dieu). Les choses naturelles ne procèderaient pas de causes efficientes (c’est-à-dire de mécanismes aveugles et sans conscience), mais de causes finales (c’est-à-dire de buts choisis par un être conscient). *Par Exemple, la thèse selon laquelle « l’œil est fait pour voir » est une thèse finaliste. Si les choses naturelles n’ont pas été pensées, voulues et créées, si elles sont là par hasard (c’est-à-dire par le concours de causes mécaniques et aveugles sans l’intervention d’une quelconque volonté), alors l’on ne peut pas dire qu’elles sont « faites pour » quelque chose. Comme l’écrit Lucrèce, penser que nous avons des yeux pour voir, « c’est faire un raisonnement qui renverse le rapport des choses, c’est mettre partout la cause après l’effet. » Ce n’est pas la fonction qui crée l’organe, mais l’organe qui crée la fonction. Si nous avons des yeux, c’est en raison de causes efficientes (mécanismes biologiques liés au passé de l’espèce : hérédité, sélection naturelle, etc). *Une grande question se pose : Nos actes échappent-ils aux causes efficientes ? Pour les matérialistes, non : nos désirs, que nous ne choisissons pas, sont les causes efficientes de nos actes. Pour Sartre, à l’inverse, seules les causes finales rendent compte de nos actes. Le but à venir que nous nous fixons éclaire toujours notre action présente. *Une 3e voie que nous pouvons emprunter est la suivante : nous nous fixons des buts qui guident nos actes, mais nous pouvons croire que nous recherchons le but alors que nous sommes la marionnette d’un désir. Nous faisons des choix en vue d’atteindre tel ou tel but, mais des causes efficientes peuvent nous influencer, parfois à notre insu. (L’on peut aussi choisir d’aller là où les causes efficientes nous portent, mais cela reste un choix, un but qu’on se fixe). D’où l’importance de bien distinguer, en nous, ce qui relève des causes finales (à savoir nos propres désirs, les horizons qu’on se fixe), de ce qui relève des causes efficientes (à savoir l’influence de nos instincts).
LA MATIERE ET L’ESPRIT
« Matière » vient du latin materia qui signifie « bois, matériaux ». En effet, La matière est comme le matériau de construction du réel. « Esprit » vient du latin spiritus qui signifie « souffle, vent ». (Parallèlement, Âme vient du latin anima qui signifie « souffle, respiration »). L’esprit est comme un souffle qui anime la matière et qui lui donne vie. L’on peut donc poser l’équivalence suivante : Âme = Esprit = Conscience. *Matière et esprit sont deux termes qui ne se posent qu’en s’opposant l’un à l’autre. La matière désigne les choses, par définition en dehors de l’esprit. L’esprit désigne le rapport aux choses, par définition non matériel. Les autres vivants : sont bien des esprits (au sens large), mais des rapports instinctifs au monde. L’Homme est un rapport de connaissance (cum-scientia) impliquant une dualité entre l’objet connu et le sujet connaissant. *La matière désigne le réel perceptible (par nos sens ou via nos outils de mesure) et connaissable par la science. L’esprit désigne le réel non perceptible et non connaissable par la science. Je fais l’expérience de mon activité spirituelle (c’est-à-dire de mon rapport aux choses), mais non de celle d’autrui. L’esprit d’autrui est à jamais inconnaissable. Je ne pourrai même jamais être certain qu’il existe, car je ne le saisis pas par perception : l’esprit d’autrui ne sera jamais un objet d’expérience pour moi. Or, comme le montre Kant, le seul moyen de savoir que quelque chose existe, c’est de le saisir par « intuition », c’est-à-dire par perception externe (par nos sens). La matière, c’est l’avoir. L’esprit, c’est l’être. Je ne me définis par rien de matériel, je ne me définis que par mon rapport à la matière. *L’esprit pur n’existe pas. Toute conscience est conscience de quelque chose : tout esprit est toujours un rapport à des choses matérielles. Tout esprit est un corps percevant et pensant. *La matière, c’est le réel « phénoménal » au sens kantien du terme (c’est-à-dire le réel tel qu’il nous apparaît). Kant distingue les phénomènes des choses en soi. Les phénomènes, ce sont les choses telles qu’elles nous apparaissent (à travers le prisme de notre perception) ; les choses en soi, ce sont les choses telles qu’elles sont en soi, indépendamment de toute perception. Les choses en soi sont par définition inaccessibles, car je n’ai accès qu’au réel tel qu’il m’apparaît à travers ma perception. De plus, vu qu’il n’y a de réel que pour une perception, les choses en soi n’existent pas : tout réel est toujours un réel relatif à une perception (un réel « pour moi »). *Le Monisme (du grec monos : seul), est la théorie selon laquelle la réalité est composée d’un seul type de substance (la réalité est « une », d’un seul ordre). Voici 2 exemples de monisme. Premier exemple : Le matérialisme, selon lequel le réel n’est composé que de matière et l’esprit est matériel (c’est-à-dire un produit de la matière). Deuxième exemple : L’idéalisme, selon lequel la matière n’existe pas, le réel n’est que spirituel : il n’est qu’une idée de l’esprit, théorie que l’on appelle aussi le solipsisme (théorie selon laquelle seule ma conscience existe, tout le reste n’est qu’illusion : le monde, autrui y compris, n’est que dans ma tête). C’est notamment la thèse de Berkeley (à ceci près que pour lui, il y a la conscience de Dieu qui sauve la réalité du monde). *A l’inverse du Monisme, le Dualisme (du latin dualis : deux), est la théorie selon laquelle la réalité est « duelle », composée de deux types de substances (ou divisée en deux ordres) : la matière et l’esprit. *La Phénoménologie est un dualisme (en effet, pour elle, il y a deux ordres de réalité : l’esprit et la matière, qui ne se confondent pas l’un et l’autre) ; la phénoménologie constitue une synthèse entre le matérialisme et l’idéalisme en montrant que l’esprit et la matière sont interdépendants (il n’y a pas de matière sans esprit ni d’esprit sans matière). Contre le matérialisme, l’on peut objecter qu’il n’y a pas de matière sans esprit : la matière n’existe que par mon esprit, ce n’est pas la matière, mais mon esprit qui suscite le réel. Contre l’idéalisme, l’on peut objecter à l’inverse qu’il n’y a pas d’esprit sans matière : la conscience est toujours conscience d’une réalité extérieure à elle ; la matière n’est pas qu’une idée de mon esprit : elle existe bien de manière extérieure à moi (contre l’idéalisme), mais seulement tant que je suis conscient (contre le matérialisme).
LA VERITE
* Le terme « vérité » a fondamentalement 3 sens. Au Sens courant, la vérité est adéquation entre le réel et le jugement que je porte sur lui. Par Exemple : le jugement « le mur est bleu » est un jugement « vrai » si le mur réel dont je parle est bien bleu. « Homoiôsis » (en grec) signifie : similitude, ressemblance, « à l’image de ». La vérité-homoiôsis, c’est le langage « à l’image du réel », quand les mots reflètent le réel. Elle est subjective, c’est à dire relative à la subjectivité humaine. Quand je dis « le mur est bleu », le « mur » et le « bleu » dont je parle n’existent pas « en soi », mais seulement pour une perception humaine. La vérité n’est jamais absolue, mais toujours relative (relative à l’être humain). Les jugements de valeur, qui portent sur ce qui devrait être, ne relèvent pas de la vérité, mais du désir. *La vérité-homoiôsis obéit aussi aux lois de la logique comme le principe de non-contradiction. Par Exemple, le jugement « ce cercle est carré » : ne peut pas être vrai, car il est contradictoire. *Au Sens métaphysique, la vérité est le dévoilement de la question de l’être : dévoilement du fait que le fait qu’il y ait un monde et que nous existions ne va pas de soi, mais pose question. La vérité philosophique, c’est la contingence (ce qui aurait pu ne pas être ou être autrement, ce qui est là sans raison, c’est-à-dire le monde et nous-mêmes). « Je suis la vérité » (écrit le phénoménologue Michel Henry) : en tant qu’être humain, je suis le seul être qui se pose la question du pourquoi de l’être. « Je suis la vérité » signifie « je suis la source absolue de l’être (le « berger de l’être ») et le lieu de l’étonnement philosophique ».
« Aletheia » (en grec) signifie « non voilé ». (Ce mot est formé du suffixe privatif « A » et de « lethe » qui désigne « le voile » ou « le fleuve de l’Oubli » dans la mythologie grecque. Boire l’eau du Léthé permet de tout oublier.). La vérité désigne donc la question de l’être « dévoilée ». Heidegger distingue les étants de l’être. Les étants, ce sont les choses en train d’être. L’être, c’est le fait qu’il y ait des étants, le « il y a ». Les étants peuvent tous être des objets de science (c’est-à-dire des objets décorticables par les sciences). Mais l’être lui-même ne saurait être un objet de science, car tout objet de science le suppose. L’être échappe à toute explication scientifique. L’être est « Contingent », c’est-à-dire sans raison (sans cause et sans but). A la question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », il n’y a définitivement pas de réponse. Analysons la formule « Il y a quelque chose ». Le « quelque chose », c’est l’étant (l’objet de la science, du « comment ? »). Le « il y a », c’est l’être (l’objet de la philosophie, du « pourquoi ? »). L’être n’est rien d’étant : l’être n’est pas un objet, mais un fait : le fait qu’il y ait des étants (le fait qu’il y ait des choses). Ce fait n’advient que pour l’être humain et n’interroge que l’être humain. Enfin, La vérité peut aussi désigner la condition humaine (dont les grands traits sont : n’être rien : ne pas être une chose mais un rapport aux choses, faiblesse, ignorance, solitude, mortalité et étonnement). Pascal creuse le concept de « Divertissement » (du latin diverto signifiant « se détourner de ») : se divertir, c’est le fait de s’adonner à des activités (travail ou jeu) qui occupent notre attention dans le but (avoué ou non) de s’oublier soi-même en tant que néant et de « se détourner de » la pensée de la condition humaine. (En ce sens, toute activité peut être un Divertissement). Se divertir, c’est fuir la vérité. A l’inverse, Se confronter à la vérité nous invite à améliorer la condition humaine. (L’illusion laisse les problèmes en suspend, tandis que la lucidité nous invite à affronter les problèmes qui s’imposent à nous).
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