La Philosophie - Partie 4/4 : Politique et bonheur

 



L’ÉTAT, LA SOCIÉTÉ ET LES ÉCHANGES

*L’État désigne l’Autorité politique à laquelle est soumis un ensemble d’êtres humains vivant sur un territoire donné. Le mot « Politique » vient du grec « polis », qui signifie « la Cité » (le lieu où vivent les Hommes : la société) et tèkné, qui signifie art ou technique, production, fabrication ou « action efficace ». La politique est donc l’art de gérer la société. L’État s’incarne par les Hommes et les institutions qui gèrent la société. Son But principal (normalement, en droit), est de rendre harmonieuses les relations entre les Hommes, d’éviter la guerre sous toutes ses formes. « Démocratie » vient des mots grecs demos (le peuple) et kratos (le pouvoir). La démocratie est un Régime politique dans lequel la souveraineté (le fait de prendre les grandes décisions) appartient au peuple. Dans une Démocratie représentative, le peuple élit les députés qui votent les lois. « République » vient des mots latin res (la chose) et publica (publique). Dans une République, la politique est donc la « chose » ou « l’affaire » du peuple : les Hommes qui vivent en république sont des « citoyens », c’est à dire des participants à la vie de la « Cité » (autrement dit de la société). Ils sont aussi des « sujets moraux » : ils ont des droits et des devoirs. Il ne pas confondre République et Démocratie : dans une République, les citoyens ont le devoir de participer aux affaires publiques, mais il peut s’agir d’une dictature. À l’inverse, dans une démocratie, du pouvoir est conféré au peuple, mais il peut s’agir d’un État non républicain (une monarchie par exemple). La Dictature désigne la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul Homme ou d’un seul groupe d’Hommes et la répression de l’opposition par la terreur. Le Totalitarisme, c’est le pouvoir « total » entre les mains d’un seul Homme ou d’un groupe d’Hommes accompagné d’une politique de terreur qui continue même quand l’opposition est anéantie (tandis que la dictature n’est que temporaire). Par opposition à la dictature et au totalitarisme, la démocratie se caractérise par la séparation des pouvoirs (comme l’ont bien montré Montesquieu et Locke) : Le législatif : les assemblées représentatives ou parlements (en France : l’Assemblée Nationale et le Sénat), qui font et votent les lois ; L’exécutif : le gouvernement (le président et les ministres) qui exécute les lois ; Et Le judiciaire : les juridictions qui appliquent les lois pour régler les différends, punir les coupables et dédommager les victimes. La séparation des pouvoirs est un rempart contre le totalitarisme (car elle limite les possibilités d’abus de pouvoir et garantit un minimum de souveraineté au peuple). L’Idéologie (au sens de Marx), c’est une pensée prétendument objective qui défend en fait les intérêts d’une classe sociale. (Par exemple, une pensée qui légitimerait l’exploitation et les inégalités sociales). *La Nation désigne un ensemble d’êtres humains partageant un passé commun, une culture commune et surtout une volonté de vivre ensemble. Quand l’État gère une nation, l’on parle d’État-nation. Dans une démocratie, lorsque le peuple est censé être souverain, l’État désigne le peuple tout entier. *La Civilisation, c’est un état de développement politique, économique, social et culturel auquel sont parvenues certaines sociétés (et qui est considéré comme un idéal à atteindre par les autres, ou comme un idéal tout court s’il n’existe pas encore). C’est Un socle de savoirs communs, de valeurs communes et d’objectifs communs qui soudent plusieurs sociétés entre elles. « L’Idéal » est par définition subjectif. Pour les humanistes, l’on peut parler de civilisation lorsque l’être humain est respecté et dispose de sa vie : lorsque l’on tend vers davantage de respect d’autrui et de liberté. * « Société » vient du latin « socius » qui signifie « compagnon, associé, allié ». Vivre en société, c’est donc (normalement) vivre en associés, être les alliés les uns des autres (contrairement aux « sauvages » qui s’ignorent ou qui se font la guerre). La société désigne donc les êtres humains qui vivent ensemble, de façon organisée (par opposition à « l’état de nature »), avec ou sans État qui arbitre leurs interactions et leurs échanges. * Les échanges peuvent renvoyer à trois réalités. Premièrement : Se transmettre des idées. Deuxièmement : Donner une chose contre une autre. (Comme le montre Mauss, en société, tout don appelle un contre-don). Troisièmement : Ensemble organisé de transactions économiques (les échanges de biens et de services, souvent par l’intermédiaire de la monnaie). Un Problème d’envergure se pose : si l’on ne se rend pas un minimum service les uns les autres, l’on meurt. (Mais le machinisme et l’intelligence artificielle permettent d’espérer une fin du travail pénible. Espérons que ce soit pour bientôt.). *Sur le plan économique, l’on oppose les libéraux et les interventionnistes à propos de la question suivante : l’État doit-il intervenir dans l’économie (c’est-à-dire dans la sphère des échanges) ? (En grec, Oïkos désigne la maison et Nomos désigne la loi. L’économie est donc « l’art de gérer la maison », c’est-à-dire, tout simplement, l’art de survivre.) *L’on oppose Deux conceptions de l’État (conceptions qui oppose les libéraux, qui pensent que l’État ne doit pas intervenir dans l’économie, et les interventionnistes, qui pensent qu’il doit intervenir). Première conception de l’État : L’État-Gendarme : État qui n’assure que les « fonctions régaliennes » (ou « fonctions du roi ») = armée (défense du territoire), police (maintien de l’ordre) et justice (application de la loi et règlement des différends). Adam Smith défend la théorie de la « Main invisible » : théorie selon laquelle c’est en cherchant à s’enrichir égoïstement que les gens apportent à la société, il faut donc que l’État les laisse s’enrichir sans intervenir. (En cherchant à satisfaire leurs intérêts, les Hommes sont comme conduits par une main invisible à satisfaire l’intérêt de tous, tandis que s’ils avaient pour but conscient de satisfaire l’intérêt de tous, ils n’y parviendraient pas). Deuxième conception de l’État : L’État-Providence : il assure les fonctions régaliennes (comme l’État Gendarme), mais intervient aussi dans l’économie, notamment en redistribuant les revenus (via les impôts) pour lutter contre les injustices sociales. *Il est important de distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique. Le Libéralisme politique, c’est la théorie issue des Lumières, contre les anciens régimes politiques (absolutistes et de droit divin), selon laquelle l’État doit avoir un pouvoir limité pour que les libertés individuelles soient préservées. Le Libéralisme économique, c’est la condamnation de l’intervention de l’État dans l’économie au nom de la liberté d’entreprendre (en s’appuyant sur la théorie de la main invisible). L’on peut ainsi être politiquement libéral (si l’on défend les droits de l’Homme, comme le fait de pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui) et économiquement interventionniste (si l’on souhaite une réduction des inégalités sociales). Comme le montre bien Marx, le capitaliste exploite le travailleur en le payant peu et en s’enrichissant par son travail (la « plus-value »), ce qui réfute la théorie de la main invisible. (Par exemple, un employé qui travaille beaucoup recevra un petit salaire qui le contraindra à vivre dans un studio minuscule et insalubre, mais les fruits de son travail permettront à son patron de collectionner les maisons). *Marx définit ainsi la liberté capitaliste comme la liberté du « renard libre dans le poulailler libre » (car le respect de la dignité des faibles n’est pas assuré par l’État : sans État-Providence, les exploiteurs/propriétaires, qui sont en position de force, écrasent les exploités. A défaut d’une Providence, il faut donc un État-Providence). *Il y a certes un Conflit incontournable entre liberté et égalité : trop d’interventionnisme nuit à la liberté (ce que l’on peut objecter aux communistes), mais pas d’interventionnisme nuit à l’égalité (ce que l’on peut objecter aux capitalistes). Pour concilier liberté et égalité, il convient donc d’être interventionniste sans nuire aux droits de l’Homme, en particulier à l’article 4 (ne pas avoir le droit de faire ce qui nuit à autrui). Respecter les droits de l’Homme : inclut la justice sociale. (Sans justice sociale, les « droits de l’Homme » ne sont que du vent. Créer, par exemple, des droits sociaux qui s’appuient sur les droits de l’Homme). *Nationaliser ou repartager les moyens de production permettrait de diminuer les rapports de force entre propriétaires et exploités. *Comme le montre Pena Ruiz dans son ouvrage intitulé Marx quand même, le capitaliste, en dégradant la santé de ses travailleurs (ce qui entraîne un coût social car l’État doit financer leurs soins), et en polluant l’environnement (ce qui entraîne un coût écologique car l’État doit financer son assainissement), coûte beaucoup plus cher à l’État que « l’assisté » vivant de minima sociaux. Le capitaliste qui culpabilise « l’assisté » se contredit donc lui-même, car le capitaliste est encore + assisté que l’assisté. 

LA JUSTICE ET LE DROIT 

*« Justice » vient du latin justus qui signifie juste, lui-même dérivé de jus, qui signifie le droit. « Droit » vient du latin directus qui signifie « en ligne droite » : il en ressort l’idée de droiture morale, de rigoureuse honnêteté. *Le mot « Loi » a 3 sens. Au Sens scientifique, une loi est un lien physique nécessaire (c’est-à-dire qui ne peut pas ne pas être), entre une cause et un effet. Par Exemple, la loi de la gravité est une loi scientifique : en raison de l’attraction terrestre (qui agit comme une cause), un stylo qu’on jette tombe toujours au sol (ce qui est un effet de l’attraction). Au Sens juridique, une loi est un écrit qui contraint, interdit ou autorise les citoyens d’un État à commettre tel ou tel acte. (L’État fait appliquer les lois par ses institutions). Par Exemple, l’interdit de voler. Enfin, Au Sens moral, la loi est un impératif moral (c’est-à-dire un impératif de la conscience morale), qui ordonne de faire ce qui est bien et/ou de ne pas faire ce qui est mal. *Les lois physiques s’imposent à nous (on ne les choisit pas, même si on les construit par la science) tandis que les lois morales et juridiques se décident. Pourquoi a-t-on ainsi désigné par le même nom deux réalités si différentes ? Notamment parce que L’on voudrait que les lois morales et juridiques s’imposent autant à nous que les lois physiques (qu’elles soient également inchangeables). Cependant, les lois morales et juridiques sont relatives au désir humain : l’on peut donc toujours les discuter et les changer. *Rousseau définit la liberté (au sens physique et social du terme), comme l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite. (Être libre, c’est ne pas se laisser contraindre ou se laisser influencer mais suivre l’horizon qu’on s’est fixé). *L’expression « En droit » désigne « ce qui devrait être ». (C’est l’objet du jugement de valeur). L’expression « En fait » désigne « ce qui est ». (C’est l’objet du jugement de fait ou « jugement ontologique »). *Le droit désigne l’ensemble des lois qui limitent et garantissent (l’un ne va pas sans l’autre) ce qu’un individu peut faire, à l’intérieur d’une société donnée, sans encourir de sanction et sans que quiconque puisse l’en empêcher sans en encourir. Si j’ai des devoirs envers les autres, c’est parce que les autres ont des droits. Réciproquement, si les autres ont des devoirs envers moi, c’est parce que j’ai des droits. Par Exemple, autrui a droit à la sécurité, donc j’ai le devoir de ne pas lui nuire (et réciproquement). *Le « Droit naturel », c’est le droit tel qu’il devrait être (pour être conforme à la « Nature », d’après les anciens, ou pour être conforme à la dignité humaine, d’après les humanistes). *Le Droit positif, c’est le droit « posé », « factuel » : le droit tel qu’il est. Le Droit positif, c’est le droit réel. Le Droit naturel, c’est le droit idéal. L’Enjeu de la politique est ainsi de faire en sorte que le droit positif corresponde le plus possible au droit naturel. *Les Anciens (de l’Antiquité au Moyen Âge), défendent ce qu’on appelle une « vision aristocratique » des êtres selon laquelle il y a des degrés d’humanité, c’est à dire des êtres humains + ou – dignes. (Par exemple, dans l’Antiquité, les maîtres sont considérés comme ayant + de dignité que les esclaves). Le droit avait donc pour fonction de maintenir chacun « à sa place » dans l’ordre naturel du monde. (Le droit devait veiller à ce que les maîtres restent maîtres et à ce que les esclaves restent esclaves). A l’inverse, les Modernes (à partir de la Renaissance) défendent une vision humaniste selon laquelle tous les êtres humains sont également dignes. Le droit a donc pour fonction de veiller au respect de la dignité humaine (ce qui implique, par exemple, de lutter contre l’exploitation et les trop grandes inégalités sociales). (La Dignité désigne le droit d’être respecté, ce qui commence par le devoir de ne pas nous nuire). *Le mot Justice a fondamentalement 3 sens. Au Sens sociétal large, c’est l’ensemble des institutions (police, armée, prisons, institutions judiciaires…) qui veillent au respect de la loi. Au Sens sociétal restreint, c’est l’ensemble des institutions judiciaires (tribunaux, cours, conseils…) qui jugent les litiges et sanctionnent ceux qui enfreignent la loi. Au Sens moral, c’est un principe moral (ou une valeur morale), selon lequel mes actes doivent être équitables et conformes au droit (naturel ou positif). L’Équité est un principe moral selon lequel je dois attribuer à chacun ce qui lui est dû selon ses besoins et son mérite. Le mérite désigne ce qui rend une personne « digne d’estime et de récompenses » (argent, honneurs, etc). Le mérite est une notion moins évidente qu’il n’y paraît. *L’Opinion commune peut souvent se résumer ainsi : « X travaille plus qu’Y, donc X a plus de mérite que Y. » (Autrement dit, Y n’a qu’à « se bouger » s’il veut aussi bien gagner sa vie que X). Mais X n’a-t-il pas de meilleures prédispositions génétiques/facilités innées que Y ? Nous recevons tous un héritage économique, social, et culturel différent, donc comme le montre Bourdieu, l’égalité des chances est une illusion. X a-t-il les mêmes structures biologiques et psychologiques qui s’imposent à lui que Y ? X a-t-il grandi dans le même milieu social que Y ? Etc. Les inégalités biologiques, psychologiques et sociales sont à prendre en compte pour juger du mérite de chacun. Or, au vu de la grande part d’inconnu biologique, psychologique et social qui subsistera toujours, il est impossible d’évaluer avec rigueur le mérite de chacun (de distinguer rigoureusement ce qui relève du mérite de ce qui relève de la chance ou de la malchance). *La Loi du Talion (du latin « talis » qui signifie « tel, pareil »), repose sur la célèbre formule biblique : « œil pour œil, dent pour dent », autrement dit, l’offenseur doit subir le même mal que sa victime. Le code Hammourabi, dans la Babylone antique, défend cette loi. (Par exemple, si quelqu’un me crève un œil, alors l’on devra à son tour lui crever un œil). La loi du talion exige l’Identité entre le crime et la peine. D’après Hegel, il s’agit d’une « vengeance déguisée ». La Vengeance, c’est l’action par laquelle la victime, par ressentiment, punit elle-même son offenseur. La justice, à l’inverse, suppose l’intervention d’un tiers (le juge) qui n'est pas impliqué dans la situation (mais qui est extérieur au conflit). Le tiers, normalement, n’est pas guidé par la passion, mais par la raison (c’est-à-dire par sa capacité de bien juger), le tiers est désintéressé et impartial. Comme le résume bien un célèbre proverbe, « On ne peut à la fois être juge et partie. » (Les « parties », dans le domaine juridique, sont les personnes impliquées dans le conflit : le demandeur, celui qui a engagé une procédure judiciaire, et le défendeur, celui contre qui la procédure judiciaire est engagée… en résumé, les parties sont la victime et le coupable). *Pour Hegel, la loi du Talion est certes une vengeance déguisée, mais elle donne le principe fondamental de la justice : l’exigence d’un rapport de proportion entre le crime et la peine. *Comme le montre André Comte-Sponville en s’appuyant sur les distinctions d’Aristote, il y a trois types de justice : La Justice distributive, qui consiste à procéder aux « distributions » de biens et de services de manière égalitaire (quand il est bon de donner la même chose à tout le monde) ou équitable (quand il est bon de donner en proportion des besoins ou du mérite des personnes). La Justice commutative, qui consiste à fixer la valeur des biens (grâce à la monnaie) et à faire en sorte, lors des échanges, que chacun reçoive l’équivalent de ce qu’il donne. La Justice corrective, qui consiste en la réparation des préjudices, en le rétablissement de l’égalité entre l’offenseur et la victime. *Pour Aristote, la justice commutative et corrective (qui ne font qu’une) repose(nt) sur l’égalité arithmétique : la même chose pour tout le monde, les mêmes traitements pour tous, tandis que la justice distributive repose surtout sur l’égalité géométrique : à chacun selon ses besoins et son mérite, exigence d’un rapport de proportion entre les biens/services distribués et les besoins et/ou le mérite. *Être juste, c’est respecter son devoir moral envers autrui, traiter autrui toujours aussi comme une fin (un but en soi) et jamais seulement comme un moyen. Comme le montre brillamment Karl Popper, pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’intolérance. Le Droit naturel, dans une perspective humaniste, désigne l’ensemble des lois qui visent au respect maximal de la dignité humaine.

LE BONHEUR

Le bonheur, comme le temps, est une notion difficile à définir, car il est impossible de le définir sans utiliser de vagues synonymes (satisfaction, bien-être, contentement, plénitude, etc…). De plus, il s’agit d’une expérience subjective intérieure (qui concerne l’état de la conscience et non la réalité des choses : le bonheur est ainsi une réalité non observable, non décorticable comme une chose matérielle), donc il est impossible d’éprouver le bonheur des autres et de faire éprouver son bonheur aux autres (c’est la réalité de la solitude au sens philosophique du terme : je suis le seul à vivre ce que je vis…). *Le mot « bonheur » est Décomposable en deux mots : « Bon » et « heur ». Heur signifie « bonne fortune, chance ». *La Fortune : le réel considéré en tant que « distributeur » de biens et de maux aux humains (le plus souvent sans logique morale). Le bonheur dépendrait donc du hasard (en l’occurrence de la chance). *En effet, le Premier sens courant de bonheur, c’est la chance. Par Exemple, si je dis « j’ai eu le bonheur de gagner un million d’euros », bonheur signifie « chance ». Bonheur vient du latin bonum (qui signifie « bon, favorable ») et augurium (qui signifie « augure, présage »). « Bonheur » signifierait donc étymologiquement « de bon augure », « bon présage », ce qui supposerait que le bonheur est une promesse de chance pour l’avenir (et non un état qui porte sur le présent). L’Idée cruciale qui est à l’arrière-plan, c’est que l’on ne contrôle pas tout ce qui arrive, le réel nous dépasse, nous ne choisissons pas tout ce qui nous tombe dessus (tant en matière de maux que de biens). *D’autres sens courants de bonheur sont les suivants : réussite ou succès (comme dans l’expression « avec bonheur »), réalité objective qui rend heureux (par exemple, si je dis « ce chalet dans les Alpes est un bonheur », le bonheur désigne la chose dont je me réjouis). Le terme « subjectif » a deux sens. Premier sens : est subjectif ce Qui ne vaut que pour moi ou pour quelques personnes. Deuxième sens : est subjectif ce Qui vaut pour tout le monde, mais qui est relatif à l’esprit humain. En ce deuxième sens, même les réalités objectives (qui valent pour tout le monde) sont subjectives (car elles ne valent que pour l’esprit humain : rien n’existe en soi). Si le bonheur se confondait avec une réussite ou avec une réalité objective, il serait quantifiable. Cela reviendrait à affirmer que le bonheur ne serait que le simple effet de causes diverses et qu’il serait le même pour tous, ce qui constituerait une double erreur. *Avant de définir rigoureusement le bonheur, il convient de distinguer le sentiment de l’émotion. *Un Sentiment, c’est un état de conscience durable et réfléchi impliquant des jugements durables de l’esprit (liés à notre vie, au monde ou à l’existence en général). Une Émotion, c’est un état de conscience éphémère et souvent spontané, souvent influencé par des circonstances diverses ou par nos idées et impliquant souvent des jugements éphémères de l’esprit. *Le bonheur peut être ainsi défini comme un état de conscience durable (c’est-à-dire un sentiment), caractérisé par une faible présence d’émotions déplaisantes et par une forte présence d’émotions plaisantes : en un mot, le bonheur est un sentiment durable de satisfaction globale. Des exemples d’Émotions déplaisantes sont le stress, l’ennui, la peur, l’angoisse, etc… Des exemples d’Émotions plaisantes sont la sérénité, la jouissance (mais seulement quand elle désirée et jugée bonne par l’esprit, car il y a aussi des jouissances tristes), la joie, etc…*La joie est fulgurante et fugace. Le bonheur est moins intense, mais plus durable. *D’après le Déterminisme, l’on ne peut pas choisir d’être heureux (car le libre arbitre est une illusion), nos sentiments ne sont que les effets de causes matérielles diverses. A l’opposé, d’après l’Existentialisme, l’on peut choisir d’être heureux quelles que soient les circonstances. La 3ème voie que nous pouvons proposer, celle de l’existentialisme réaliste, est la suivante : je peux toujours choisir d’être heureux, mais selon ma situation, être heureux sera plus ou moins facile. Comme le souligne le réalisme, une multitude de contraintes et d’influences pèsent sur moi. Mais comme le montre l’existentialisme, je peux quand même choisir d’être heureux en me focalisant sur des aspects du réel qui me plaisent et en choisissant la valeur que je donne aux situations. *Le grand problème qui se pose concernant Les malheureux est le suivant : l’existentialisme les culpabilise (« il ne tiendrait qu’à eux d’être heureux »), le déterminisme les décourage (« ils ne peuvent pas être heureux »). (Dans les deux cas, c’est la double peine : le malheur + un sentiment de culpabilité avec l’existentialisme, ou le malheur + un sentiment de fatalité avec les déterministes). L’existentialisme réaliste, quant à lui, affirme que les malheureux ne sont pas responsables de leur malheur (car ils sont victimes des violences du réel), mais qu’ils peuvent choisir d’être heureux (en dépit du réel) (tout en précisant bien que « choisir d’être heureux » ne signifie pas « parvenir à être heureux ». De même, je peux toujours choisir d’aller sur la lune, mais ça ne signifie pas que je peux y arriver). *Ainsi, pour forger une conception moins « élitiste » du bonheur, il convient de donner à cette notion un sens plus large : le bonheur peut être un sentiment mais aussi une émotion plaisante (potentiellement réfléchie quoi qu’éphémère). Lorsque le bonheur n’est qu’une émotion, l’on peut parler d’un « bonheur modeste ». En ce sens, les moments de joie, d’euphorie, de jouissance, d’intérêt, de sérénité et autres sont des « bonheurs » de l’existence. L’on peut considérer que le bonheur-sentiment (impliquant une durabilité) n’est pas accessible (ou très difficilement accessible) aux plus malchanceux tandis que le bonheur-émotion est accessible à tous. (Le bonheur-sentiment ou bonheur durable est le bonheur des chanceux tandis que le bonheur-émotion ou bonheur éphémère est le bonheur des plus fragiles). *L’étonnement philosophique consiste à avoir conscience de la contingence (c’est à dire du fait que l’existence est sans raison, « sans pourquoi », qu’il aurait pu ne rien y avoir). L’étonnement philosophique peut se traduire émotionnellement par l’angoisse (« je suis seul, je n’ai pas de raison d’être, je ne suis qu’un point minuscule dans l’infini, etc »), mais aussi par la joie (« l’existence est un fait inouï, qui tient du miracle, la beauté de la Nature aurait pu ne pas être, etc… »). La joie de l’étonnement philosophique consiste à Être heureux parce qu’il y a quelque chose plutôt que rien. Comme l’écrit Descartes, « Je suis, j’existe ». Ou pour citer Julien Green : « Heureux d’être. D’être quoi ? D’être, simplement. » (Ce bonheur peut surgir pendant toute expérience, mais en particulier pendant la contemplation, car celle-ci favorise le questionnement). Il s’agit là de ce que l’on peut appeler le « Bonheur philosophique » (bonheur qui hélas ne peut pas être durable au vu des nécessités de la vie pratique). *Pour être heureux, il est conseillé de Vivre dans l’attention actuelle à ce qui est (au présent du présent) pour éviter les « passions tristes » portant sur le présent du passé et le présent de l’avenir (les regrets, les remords, la nostalgie, la crainte, l’espoir, etc). *Comme le montre Schopenhauer, pour échapper à une vie qui ne serait qu’un « pendule oscillant entre la souffrance et l’ennui », il faut se détacher du vouloir-vivre (c’est-à-dire de ses instincts bruts), par l’art et la philosophie. Ajoutons : par la sublimation, c’est-à-dire par la satisfaction des pulsions par des voies détournées (que ce soit par les arts, les sciences, les sports, etc). *Comme l’écrit Pascal : tous les Hommes veulent être heureux, même ceux qui vont se pendre. (En effet, celui qui se suicide le fait pour échapper à des souffrances atroces : il ne le fait pas par simple goût de la provocation). *Enfin, La notion de bonheur pose des problèmes qu’il ne faut pas passer sous silence. Premier problème : Le bonheur est subjectif (c’est-à-dire propre à chacun) : ce qui rend autrui heureux ne me rend pas nécessairement heureux. Autrui et l’État n’ont donc pas la légitimité de m’imposer telle ou telle vie au nom de mon bonheur. (L’État a le devoir de veiller au respect de ma liberté et de ma dignité, mais le bonheur est mon affaire. Les Hommes politiques se contredisent eux-mêmes en étant libéraux sur la question de notre dignité et paternalistes sur la question de notre bonheur, ils devraient faire l’inverse : + protéger notre dignité, notamment en instaurant + de justice sociale, mais nous laisser choisir notre vie et nous occuper de notre bonheur). Deuxième problème : Kant suggère que le bonheur n’est qu’un idéal de l’imagination (un idéal indéterminé) : l’on ne sait pas ce qui rend vraiment heureux, l’on ne fait que l’imaginer. La quête du bonheur peut donc nous conduire à des impasses. (Par exemple, je peux croire qu’une voiture de luxe me rendra heureux, travailler des années pour l’obtenir et me rendre compte finalement que ma voiture ne me rend pas heureux. De même, je peux croire qu’être en couple me rendra heureux puis regretter ma vie de célibataire lorsque je suis en couple). Troisième problème : Comme le montre intelligemment Nietzsche, en définissant toujours le bonheur comme un idéal, l’on ne sera jamais heureux (car « idéal », par définition, s’oppose à « réel »). Il faut apprendre à aimer la vie telle qu’elle est (y compris nos combats pour la changer). (Notons aussi qu’apprendre à aimer la vie, c’est aussi apprendre à aimer notre part de nous-mêmes qui n’aime pas la vie). Quatrième et dernier problème : Si le bonheur devient une « norme », cette norme culpabilise les malheureux (en les définissant comme des « losers ») : contre cette tyrannie du bonheur, rappelons que l’on a le droit d’être malheureux. *Enfin, Le Bonheur humaniste se confond avec la liberté physique et sociale. (Non la liberté de quelques uns aux dépends des autres, mais celles de tous : la liberté qui se déploie sans nuire à autrui). Un monde où l’on est tous majeurs au sens philosophique du terme, où l’on ose penser par nous-mêmes et où l’on dispose de notre vie – sans nous laisser régenter celle-ci par autrui, par la société et par l’État.

IDÉES SUPPLÉMENTAIRES : *L’autonomie (de « autos » : soi et « nomos » : loi) consiste à se fixer soi-même sa propre loi. *Les stoïciens (philosophes nous invitant à conformer nos désirs à l’ordre du monde) nous invitent à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n’en dépend pas. *Époké = suspension du jugement. (Scepticisme). *Moi empirique (moi intéressé au monde, aux étants) VS moi transcendantal (spectateur désintéressé, à distance, le moi philosophe). *De buts en buts, pas de buts ultimes. *Cf Rousseau : distinguer l'amour de soi de l'amour propre. "L'amour-propre : sentiment mauvais, relatif, né de la comparaison et de la réflexion ; il n'existe qu'un société et suppose la distinction de l'être du paraître. L'amour-propre est un mouvement qui nous porte à tout sacrifier à l'image qu'autrui se fait de nous. VS L'amour de soi : au contraire, il s'agit d'un sentiment naturel et bon ; il est pour l'homme la forme que prend l'instinct de conservation. Rousseau en fait la source originelle de toutes les affections, la pitié y comprise." *Nietzsche : une idée vient quand elle veut (cf expérience de la marche). *On A une nature (qui nous influence, nous contraint, etc, souvent à notre insu), mais on N'EST PAS cette nature (sinon l'on ne pourrait pas "forcer sa nature"). *Sartre : se croire « quelqu’un », c’est être un « gros plein d’être ». *Pour Marx, « l’infrastructure » (notre milieu social) détermine la « superstructure » (nos idées). Mais si tel était le cas, que vaudrait cette idée ? *Thèse stoïcienne : à défaut de pouvoir changer les choses, l’on peut changer le regard qu’on porte sur les choses. *Aristote : la vertu est un juste milieu entre deux vices. *Contre Platon : seuls les riches ont le loisir de mépriser les choses matérielles. *Contre Cioran : ne pas agir, c'est encore agir ; c'est cautionner l'injuste. *Nous finissons par voir la réalité comme les œuvres d'art la représentent : c’est en ce sens que « la nature imite l’art ». *Le vivant s’organise et se « répare » tout seul (biologiquement parlant), tandis que la machine a besoin d’un agent extérieur pour être organisée et réparée. Intersubjectivité = relation entre plusieurs subjectivités, lieu du rapport à autrui. *L’adjectif « responsable » peut avoir deux sens. 1/ Être l’auteur de = en ce sens, je suis responsable de tous mes actes (puisque quand j’agis, c’est bien moi qui agis, non une force mystérieuse qui serait à la fois moi et pas moi). 2/ Être coupable ou méritant, ne pas avoir d’excuses = en ce sens, les diverses influences et/ou contraintes du réel peuvent être des excuses, des « circonstances atténuantes » qui impliquent que je ne suis pas pleinement responsable de mes actes, que je ne mérite pas d’être blâmé ou loué pour eux. Le réel ayant toujours une grande part d’inconnu, peut-être ne pourrons-nous jamais connaître exactement le niveau de responsabilité de chacun. *Cf Kant : nous avons des instincts immoraux, mais le fait qu'on s'en préoccupe est le signe de notre moralité. *Peu importe les origines qui sont toujours troubles. *Descartes : de la même manière qu’un homme perdu en forêt, pour se sauver, doit « marcher en ligne droite » (afin d’être sûr de ne pas tourner en rond), je dois adopter une « morale provisoire », suivre les lois de mon pays, à défaut de m’être construit une morale rationnelle (car la vie n’attend pas : il faut agir). *Il ne faut parler d'intelligenceS qu'au pluriel. *Lucrèce : la science dissipe la crainte des dieux. En effet, quand nous sommes témoins de phénomènes inexpliqués, nous avons tendance à les expliquer par la volonté des dieux (ou de Dieu), mais une fois que nous les expliquons par la science, nous comprenons qu’il s’agit de phénomènes physiques qui sont les simples effets de causes naturelles. Il y a de l’inexpliqué, mais tout est explicable. *Le clinamen : quand deux atomes se percutent et forment des corps, puis des mondes. *Épicure : la mort n’est rien, elle ne me concerne pas, car tant que j’existe, elle n’est pas là, et quand elle est là, je ne suis plus là. *Heidegger : ce n’est pas la mort qui nous vient du temps mais le temps qui nous vient de la mort. *« L’inconscient » (ou plutôt l’inscient) ne pourrait-il pas notamment désigner tout ce qu’on nous a inculqué (et/ou fait subir) et qui s’est transformé en « instinct mécanique » en nous ? *Le désir et la « raison » s’affrontent-ils en nous, ou s’agit-il toujours du combat entre plusieurs désirs ? (Réponse : raison et désir ne s’excluent pas, il n’y a pas de désir sans raison ni de raison sans désir). Cf Rousseau : « il n’est pas possible de concevoir pourquoi celui qui n’aurait ni désir ni crainte se donnerait la peine de raisonner ». *Qui suis-je ? Une "visée" du réel, l'ensemble de mes actes par lesquels je vise le réel. Cf Husserl, Intentionnalité.

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